Après quelques décennies de « tout-numérique », la photo argentique revient aujourd’hui en force. C’est par contre avec une toute autre attitude que ses adeptes l’abordent désormais. Petit tour d’horizon d’un des mouvement qui incarnent le plus ce retour à la pellicule : la Lomographie.
Retour vers le futur
Depuis 2009, on a relancé la production de Polaroid. Les vrais, ceux qui sont magiques, et où la photo n’apparait qu’après quelques minutes.
Des marques renommées telles que Nikon continuent a vendre des reflex argentiques neufs, comme le FM10.
Nombre de photographes pourtant fervents utilisateurs d’appareils numériques, chinent les brocantes et autres vides greniers à la recherche de la perle rare, un appareil photo ancien et toujours fonctionnel.
Ce retour à l’argentique a plusieurs explications : le caractère unique des photos lui donne une préciosité face au déluge d’images qui nous entourent, le grain des clichés est typique, et n’est pas comparable au résultat que l’on peut obtenir avec le meilleur des numériques, et le procédé de développement et le mystère qu’il dégage rendent l’argentique relativement magique.
La génèse d’un mouvement
Lomo PLC était à l’origine un fabriquant franco-soviétique d’instruments d’optique fondé en 1914 et basé à Saint Petersburg, en Russie. Cette marque est notamment connue pour avoir fabriqué le premier appareil photo soviétique, en 1930. Pour autant, sa notoriété et ses produits restent pendant de nombreuses années réservée à l’Union Soviétique.
En 1991, deux étudiants autrichiens découvrent un Lomo Compact Automat sur un marché aux puces de Prague. Alors que l’appareil n’est plus produit par Lomo PLC, ils pressentent son potentiel commercial, et décident d’en relancer la fabrication à destination de l’occident.
Par la suite, la réédition d’appareils rétro comme les Diana, Fisheye, Holga et Pop fournit l’outil d’un mouvement artistique d’avant-garde : la lomographie.
Junk Photography
La qualité de la photographie produite est médiocre. Les bords de l’épreuve sont plus sombres que le centre (« vignettage »). Certains parlent même de Junk Photography, néanmoins, les défauts sont assumés et même revendiqués ! C’est ce qui fait l’intérêt du processus, sa marque de fabrique.
Les règles d’or du « lomographe » sont :
- d’emporter son Lomo où qu’il aille,
- de l’utiliser à n’importe quel moment,
- de faire en sorte que la lomographie soit partie intégrante de sa vie quotidienne,
- d’essayer la prise de vue sans viser,
- de s’approcher au plus près des sujets qu’il veut « lomographier »,
- de ne pas penser,
- d’être rapide,
- de ne pas avoir à savoir à l’avance ce qu’il prend en photo (et après coup non plus),
- de se moquer des règles !
On assiste donc à une désacralisation de l’art de la photographie. Les mots d’ordre sont justement pas de mot d’ordre, ou alors : liberté, jeu, expérimentation, dilettantisme.
La flambée d’un marché
On peut aujourd’hui trouver de nombreux appareils-jouets Lomo au design très étudié. Ils se font objets de mode. De plus, de multiples accessoires peuvent s’adapter à votre appareil photo de base. Des boutiques dédiées vous proposent ces appareils en plastique et leurs accessoires qu’on pourrait penser faits de bric et de broc, et pourtant vendus à des prix plutôt élevés. En bref, un véritable écosystème s’est dessiné autour de la marque, allant même jusqu’au service de développement par correspondance.
Pour autant, de plus en plus d’accessoires, filtres, objectifs ou encore pellicules compatibles sont commercialisés par des tiers, et remplissent très bien leur rôle. De même, il existe des adaptateurs pour reflex numétiques, vous permettant d’obtenir un effet similaire sans changer d’appareil photo. Enfin, si vous souhaitez faire développer vos photos ailleurs que chez Lomo, c’est possible (et ça vous coûtera moins cher). Bien évidemment, le moins onéreux reste de faire appel à votre smartphone et à des services tels qu’Instagram 😉
Malgré cet aspect mercantile que nous allons mettre de côté, nous pouvons dire que la lomographie est à la photographie ce que le dadaïsme fut à la peinture ou à la musique.
Image à la une : Flickr