Par Deborah Blaxell, consultante juridique, et Martin Bonney, directeur international des services de conseil d’Epiq Systems
Le nombre de réglementations applicables aux entreprises françaises du secteur pharmaceutique ne cesse de croître. De fait, entre 2009 et 2012, le secteur pharmaceutique mondial s’est vu infliger des amendes d’un montant total supérieur à 11 milliards de dollars pour des infractions qui incluaient la non-divulgation d’informations relatives à la sûreté des médicaments et la promotion de médicaments en vue de leur utilisation hors des conditions autorisées par leur licence de commercialisation. La Commission européenne a récemment imposé une amende de 331 millions d’euros à Servier, la deuxième entreprise pharmaceutique française, pour avoir freiné l’entrée sur le marché de versions génériques de son médicament contre l’hypertension, le périndopril. Par ailleurs, certaines firmes pharmaceutiques font actuellement l’objet d’une enquête de la part des autorités de contrôle de plusieurs pays pour des délits présumés de corruption.
Outre cette surveillance accrue de la part des autorités de contrôle, le volume de données traitées par les entreprises pharmaceutiques ne cesse d’augmenter. Chaque année, une société moyenne du Fortune 500 produit plusieurs petaoctets d’information électronique. Un employé envoie et reçoit en moyenne une centaine d’e-mails par jour, et chaque donnée transite par le poste informatique de douzaines, voire de centaines de personnes. Qu’elles soient stockées sur des disques durs, dans des bases de données, sur des clés USB, des CD ou d’autres supports amovibles, ou encore sur des bandes de sauvegarde, ces données sont archivées, dupliquées, et se multiplient de manière exponentielle. D’après une enquête réalisée en 2012, 2,8 zettaoctets de données ont été générés cette année-là et selon les projections ce volume devrait atteindre 40 zettaoctets en 2020, soit 50 fois plus que depuis le début de 2010.
Cette information se présente sous différentes formes, et la rechercher et l’examiner afin d’identifier les preuves pertinentes dans le cadre d’une enquête constitue un défi considérable pour les entreprises. Les preuves contenues dans les enregistrements vocaux (les « preuves audio »), en particulier, peuvent s’avérer déterminantes dans un procès. En effet, si les entreprises ne traitent pas ces preuves de manière effective et efficace, elles s’exposent à la critique du juge, à une mauvaise publicité et à de très lourdes amendes de la part des autorités de contrôle. Ces dernières reconnaissent l’importance de la divulgation de données, telles que les enregistrements audio dans le cadre des procès intentés aux entreprises. L’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé souligne ainsi l’importance de communiquer ces données dans un délai raisonnable et de les mettre à la disposition de l’autorité compétente à la demande de celle-ci.
Epiq Systems a commandité une enquête* auprès de dirigeants de sociétés de premier plan dans quatre pays européens (le Royaume-Uni, l’Allemagne, la Suisse et les Pays-Bas) afin d’identifier les grandes tendances existantes, au sein du monde de l’entreprise, dans le domaine de la preuve électronique (eDisclosure) et de l’examen des documents. Les résultats de cette enquête montrent que les défis relativement récents suscités par l’admissibilité des enregistrements vocaux n’ont pas encore été abordés de manière intégrale par la majorité des entreprises leaders, y compris par celles du secteur pharmaceutique. La gestion des données audio constitue ainsi un « défi majeur » pour plus du tiers (38 %) des grandes sociétés européennes interrogées, plus des deux tiers des sondés (69%) reconnaissant également la nécessité d’améliorer les processus ayant trait à l’admissibilité des documents audio.
La variété des supports sur lesquels les conversations peuvent être enregistrées complexifie l’extraction des preuves audio et la méthode traditionnelle d’examen – où une personne écoute de nombreuses heures de conversation – n’est pas extensible. Les entreprises du secteur pharmaceutique doivent veiller à se tenir au courant des dernières technologies et techniques existantes pour traiter les preuves audio. Un traitement efficient des documents audio, de sorte que les coûts restent proportionnés au coût global de la procédure juridique, n’est pas chose facile. Néanmoins, il devient difficile pour les entreprises d’alléguer que les preuves audio sont trop complexes à traiter. Comme toujours, si les technologies fournissent une solution, un plan soigneusement conçu et une réflexion sur les différentes options disponibles seront d’un grand secours à ceux qui doivent chercher, examiner et divulguer les documents audio.
*Enquête réalisée par téléphone en novembre 2013. 100 personnes appartenant à de grandes entreprises (définies comme réalisant un CA annuel supérieur à 500 millions de dollars) ont été interrogées au Royaume-Uni, en Allemagne, aux Pays-Bas et en Suisse. De grandes entreprises européennes des secteurs suivants : industrie et BTP ; commerce de détail ; services financiers ; entreprises de distribution d’énergie ou d’autres services essentiels ; produits pharmaceutiques ; services professionnels et informatique/télécommunications, ont participé. Les personnes interrogées étaient le directeur financier, le responsable de la conformité ou le directeur du département juridique.